Gaz de schiste, les lobbies contre-attaquent

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La semaine dernière, dans un discours lors de la Conférence environnementale, François Hollande a annoncé le rejet de sept demandes de permis d’exploration pour les gaz de schiste, et déclaré avoir renoncé à l’exploration et l’exploitation de ces hydrocarbures « non conventionnels » pour l’ensemble de son quinquennat. Cette prise de position claire et inattendue de l’Élysée a donné le top départ d’une intense campagne de lobbying pour reprendre la main sur le dossier. Exemples sur la seule journée de lundi (17/9).

Nicolas Beytout sur France Inter

C’est une des nouveautés de la rentrée 2012 sur France Inter: Nicolas Beytout, ancien directeur de la rédaction du Figaro (de 1996 à 2004) et des Échos (de 2004 à 2007),  propose un éditorial tous les lundis matin sur la radio nationale.

Nicolas Beytout, éditorial du lundi sur France Inter

Nicolas Beytout, éditorialiste du lundi sur France Inter

Lundi, il a consacré intégralement son édito aux déclarations de François Hollande sur les gaz de schiste et aux réactions que la décision présidentielle a générées. Il ne fait guère mystère de son opinion sur le sujet. Morceaux choisis :

« En quelques années seulement, les États-Unis ont spectaculairement réduit leur dépendance en matière d’énergie. Même chose pour l’économie : environ 600 000 emplois ont été créés dans ce pays et on va rapidement atteindre le million. »

« Les prix de cette énergie se sont effondrés, les factures des industriels et des particuliers avec. Le gaz coûte désormais 5 fois moins cher là-bas, alors qu’en France, GDF Suez et le gouvernement jouent au ping-pong sur les hausses de tarifs. »

« […] Tous les économistes s’accordent à dire que le grand bond en avant dans cette technologie a boosté la croissance américaine, une perspective que la France, évidemment, ne devrait pas négliger »

Claude Allègre à « C dans l’air« 

En fin d’après midi c’est dans l’émission « C dans l’air » de France 5, intitulée lundi « Petits cadeaux aux Verts » que le débat sur les gaz de schiste nous poursuit. Le sujet de l’émission a beau être d’ordre plus général (sur la conférence environnementale), l’ancien ministre Claude Allègre ne tarde pas trop à focaliser le débat sur le sujet qui l’a fait venir: défendre la cause des gaz de schiste. En effet, lorsque le journaliste lui demande en tout début d’émission son avis sur la conférence environnementale organisée par le gouvernement, Allègre botte en touche et enchaine « … et puis puisque on est venu pour parler des gaz de schiste, je tenais à dire que…« . Pirouette malhonnête qui ne provoquera aucune réaction chez l’animateur Laurent Bazin qui laissera totalement son émission au main de son bouillant invité.

Claude Allegre lundi à "C dans l'air"

Claude Allègre lundi à "C dans l'air"

S’en suit une litanie d’arguments partiaux et désordonnées qui relèvent plus d’ »éléments de langage » que d’argumentation scientifique (n’en déplaise à notre ancien Ministre). On reconnait d’ailleurs étrangement point à point le discours de Nicolas Beytout du matin: la baisse du coût de l’énergie, la création d’emploi, la bêtise de se priver de telles ressources, l’obscurantisme des opposants etc… Le « summum » étant atteint par Claude Allègre lorsque celui-ci explique que les carburants issus des gaz de schiste émettent moins de CO2 que les hydrocarbures conventionnels, alors même qu’il a toujours été le fer de lance des sceptiques sur le réchauffement climatique. Un comble !

Claude Allègre persistera dans son rabâchage pendant toute l’émission, se permettant même de pourrir le débat dans la foulée de l’intervention de Michelle Rivasi, député Europe Écologie les Verts. Le tout sous le regard affolé de Laurent Bazin… Lamentable !

Une campagne de contre-information dans les règles de l’art

Voici donc, sur la seule journée de lundi, deux manifestations de la contre-attaque organisée pour faire avancer le sujet gaz de schiste auprès de nos décideurs et dans l’opinion. Tout cela n’est pas particulièrement original tant cette campagne de contre-information est classique. La meilleure preuve est que tout cela avait – pour ainsi dire – été scénarisé au préalable.

En 2011 des étudiants de l’École de Guerre Économique avait réalisé une analyse (dans le cadre d’un exercice) imaginant quelles propositions ils pourraient faire à un géant de l’industrie pétrolière pour l’aider à faire avancer l’opinion Française sur les gaz de schiste. Leur travail donne une excellente grille de lecture de la situation actuelle. Peut-être n’avaient-ils pas imaginé au départ à quel point la réalité allait se caler sur leur fiction…

La campagne de contre-information qu’ont imaginée ces étudiants s’articulait autour des axes suivants :

  • Décrire des « éléments de langage » propres à chaque « cible » visée tels que l’assimilation du gaz de schiste au gaz naturel, la fiabilité des procédés d’extraction, les possibles récupération et retraitement de l’eau etc
  • Proposer la création d’un comité d’experts (scientifiques, sociologues, économistes, politiques) dont le discours viserait à légitimer l’extraction des gaz de schiste
  • Concernant le grand public, jouer sur l’affect, avec le slogan « On vous vole vos emplois ! »
  • Mettre en place un maillage strict des moyens de communication (blogs, Wikipédia, réseaux sociaux, Twitter, référencement dans les moteurs de recherche, applications mobiles)
  • Tenter de faire assimiler les contestations à des prises de positions « partisanes et idéologiques » auprès du grand public et des décideurs
  • Etc

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