Corruption, magouilles et matchs truqués: c’était l’OM des années Tapie

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En marge du match de mercredi en huitième de finale aller de Ligue des Champions entre l’Olympique de Marseille et Manchester United, l’ancien joueur professionnel Anglais des Glasgow Rangers, Mark Hateley, met en cause l’OM dans une affaire de corruption datant de 1993, l’année de son sacre européen. Une nouvelle accusation qui vient rejoindre une ribambelle d’affaires louches recensées il y a quelques années par les Cahiers du Football, qui montrent à quel point le « système Tapie » reposait sur la triche.

Hasard du calendrier des révélations c’est notre deuxième article consacré à des matchs de football truqués en quelques semaines, après celui du 5 Février consacré au « Miracle de Berne« .

Les accusations de Mark Hateley

En 1993 l'OM "gagne" la Ligue des Champions

En 1993 cela faisait quelques années que l’OM avait fait de la Ligue des Champions son principal objectif. Après avoir écarté le Glentoran de Belfast et le Dinamo Bucarest en phase préliminaire, Marseille doit sortir en tête d’un groupe comptant les Glasgow Rangers, le CSKA Moscou et le FC Bruges pour espérer disputer la finale (NDLR : que l’OM gagnera face à l’AC Milan). A cet époque Mark Hateley, international Anglais, est l’attaquant vedette des Rangers. Voici ce qu’il explique dans un interview accordé à la chaine Britannique ITV (source AFP) :

« C’était une personne parlant français, qui m’a offert une grosse somme pour que je ne joue pas. Cela désigne une personne, ou des personnes, qui travaillaient au club et ne voulaient pas que je joue »

L’Anglais, qui a bien évidemment éconduit sont interlocuteur, ne prête pas attention à cet appel, pensant même tout d’abord à une blague. Ce n’est que lorsqu’il est exclu de façon particulièrement sévère lors de la journée précédent son match contre Marseille (le suspendant donc automatiquement pour le math contre l’OM) qu’il s’interroge :

« Dès qu’on m’a sorti le carton, le coup de téléphone m’est revenu à la mémoire. Je me suis senti floué à 100%, c’était une chance unique pour les Rangers »

Mark Hateley estime aujourd’hui que Marseille devrait « être déchu » de son titre remporté le mois suivant face à l’AC Milan en finale (1-0). L’UEFA et la Fédération Française de Football ont pour leur part réagit à ces propos en rappelant qu’une enquête avait été mené à l’époque, et qu’aujourd’hui les dix ans de prescription étaient passés.

Alors l’OM doit-il être déchu de son titre Européen de 93 comme il l’a déjà été de son titre de champion de France suite à l’affaire OM-VA (NDLR: la même année) ? D’aucun dira qu’il est aujourd’hui trop tard… N’empêche, l’histoire racontée par Hateley est loin d’être l’unique du genre et la liste des affaires plus que suspectes est interminable. L’année 1993 semble être l’apogée du système mis en place sous la présidence de Barnard Tapie pour tricher à tous les niveaux : joueurs, arbitres, dopage, transferts… comme l’atteste la liste ci-dessous dressée il y a quelques temps par les journalistes de Cahiers du Foot (voir la source et ci-dessous). Liste à laquelle il faut désormais ajouter les accusations de Mark Hateley. Dans cette perspective vertigineuse d’évènements accablants, la chute du « système Tapie » était probablement devenue inéluctable.

Une liste déjà longue d’affaires louches

« 15 décembre 1988. À la mi-temps de Nice-OM, les numéros 6 et 3 marseillais sont tirés au sort pour le contrôle antidopage. Papin (n°9) et Thys (n°2) se présentent au terme de la rencontre. Germain (n°6) et Di Meco (n°3) ont été remplacés bien avant le coup de sifflet final et ont quitté le stade… Avec une ligne de défense originale (ils prétendant avoir lu les numéros tirés au sort à l’envers), les dirigeants et joueurs phocéens s’en tirent en appel, contre une rallonge de l’amende.

20 mai 1989. Pendant que l’OM bat Auxerre 2 à 1, Lens, bon dernier de D1 (3 victoires pour 27 défaites), offre le titre aux Marseillais en tenant en échec le PSG (0-0). Les jours suivants, les Parisiens dénoncent le versement de primes par l’OM aux Lensois afin de les « sensibiliser » aux enjeux de cette rencontre.

18 octobre 1989. OM-AEK Athènes. Selon l’imprésario Ljubomir Barin, Jean-Pierre Bernès l’a chargé d’acheter les joueurs de l’AEK pour leur réception au Vélodrome. Les Grecs dans la combine devaient entrer sur le terrain avec les chaussettes baissées, mais l’arbitre leur ayant fait remonter dans le couloir des vestiaires, « Tapie est entré dans une rage noire », racontera Barin au juge Philippon, dans le cadre de l’instruction sur le procès des comptes de l’OM (en 1997, portant sur la période 1987-1990).

21 octobre 1989. Le Girondin Didier Sénac fait état à son capitaine Patrick Battiston d’un coup de fil de son ami Philippe Vercruysse, avant le match Bordeaux-OM (3-0), l’invitant à provoquer un penalty sur Jean-Pierre Papin, contre une somme de 200 ou 500.000 francs (Sénac ne se souvient plus). Les deux joueurs concernés évoqueront ensuite une « plaisanterie » sans conséquence, et la Commission nationale de discipline ne donnera pas suite.

11 novembre 1989. Caen-OM (0-2). Jean-François Domergue, manager du SM Caen, admet avoir reçu, à deux reprises, des propositions de Jean-Pierre Bernès lui proposant 500.000 francs en échange d’une mauvaise prestation du gardien Philippe Montanier. Domergue affirmera à la CND qu’il n’a pas pris au sérieux « ces propos énoncés avec sourire et ironie ».

25 avril 1990
. ASSE-OM (0-0). Quelques jours après le match, Claude Bez remet à la Commission nationale de discipline l’enregistrement (qu’il dit avoir acheté à des inconnus à l’aéroport de Marseille) d’une conversation téléphonique au cours de laquelle Bernard Tapie demanderait à Jean-Pierre Bernès d’intervenir auprès de Laurent Fournier afin qu’il ne joue pas à 100% de ses moyens. Deux mois plus tard, Fournier est transféré à Marseille. Faute de pouvoir identifier l’authenticité de la bande, la CND classe l’affaire.

24 mars 1990. Stade brestois-OM (2-1). Le président breton, François Yvinec, certifie que son attaquant Roberto Cabanas a reçu, la veille du match, un appel de l’agent Manuel Garcia, lui suggérant de simuler une blessure au bout d’un quart d’heure. Auteur des deux buts de son équipe, Cabanas dira n’avoir pas tenu compte de cette sollicitation.

6 novembre 1990. OM-Lech Poznan (6-0). Après le carton de l’OM en huitième de finale de C1, les dirigeants polonais affirment que leurs joueurs ont été drogués en buvant du jus d’orange au cours de leur séjour marseillais.

6 avril 1991. Spartak Moscou-OM (0-3). En enquêtant sur les comptes de l’OM quelques années après les faits, le juge Philippon découvre qu’avant la demi-finale de la C1 contre le Spartak Moscou, Jean-Pierre Bernès a demandé à l’homme d’affaires Jean-Louis Haguenauer (ami de Manuel Amoros et dirigeant d’une société d’import-export à Moscou) d’organiser la corruption des joueurs moscovites via des intermédiaires de sa connaissance (dont Vaguiz Khidiatouline, ancien joueur du TFC). L’OM l’emporte sur trois monumentales erreurs des défenseurs. Deux mois plus tard, 375.000 dollars sont versés par l’OM et aboutissent après un circuit complexe sur un compte dont est bénéficiaire Jean-Louis Haguenauer, lequel se chargera de la redistribution auprès des joueurs. La saison suivante, l’entraîneur du Spartak affirme que ses joueurs ont été achetés, mais après enquête, l’UEFA (qui n’entendra pas les joueurs) classe l’affaire.

15 décembre 1991. Les dirigeants rennais fulminent : leurs joueurs auraient bu du jus d’orange suspect dans leur hôtel marseillais… au point de s’endormir entre Marignane et Marseille.

7 mars 1992. L’OM bat Nantes à la Beaujoire. Jean-Jacques Eydelie affirme avoir été auparavant contacté par un joueur de l’OM lui déclarant « Je sais que, l’année prochaine, tu seras à Marseille, ce serait bien que, pour ce match-là, tu nous aides ». Eydelie dit avoir refusé, mais tout de même touché une « prime exceptionnelle » de 300.000 francs (en raison de la victoire marseillaise) quelques semaines après son arrivée à Marseille.

17 mars 1993. OM-CSKA Moscou (6-0). Guennadi Kostiliev, l’entraîneur russe, affirme que ses joueurs ont été malades en ingérant un thé frelaté et qu’il a reçu un appel téléphonique lui proposant de laisser filer le match en échange d’une forte somme d’argent. Plus tard, Kostiliev informera l’UEFA n’avoir jamais entendu parler de corruption autour du match perdu par son équipe au Vélodrome. Eydelie affirme qu’au match aller comme au match retour, les boissons des Moscovites ont été « trafiquées ».

21 Avril 1993. Bruges-OM (0-1). Deux jours avant le match, l’OM transfère 311.000 dollars via un compte en Suisse, vers une banque bruxelloise, où un intermédiaire belge, Michel Tincler, retire la somme en liquide. Il reconnaîtra avoir agi sur demande d’Alain Laroche (directeur financier du club), pensant, selon ses dires, toucher un dessous-de-table pour une transaction immobilière.

20 décembre 2003. Croyant démentir les accusations de Waddle et Cascarino sur les pratiques pharmaceutiques de l’OM des années 90, Bernard Casoni déclare au Monde: « On nous appliquait dans le bas du dos un pistolet à air comprimé qui comprenait plusieurs fléchettes, quatre je crois. Le but était de stimuler les glandes surrénales qui sécrètent naturellement des hormones. C’était plus psychologique qu’autre chose: il suffisait que tu fasses un bon match pour que tu aies envie de recommencer ». « 

(Source « Un règne mouvementé » publié par les Cahiers du Football en 2006)

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