Cela semblait totalement inconcevable il y a encore quelques mois. A force d’entendre les forces vives de la Droite répéter qu’ils n’avaient pas besoin de primaire et que Nicolas Sarkozy était le « candidat naturel » de l’UMP, on tenait pour acquis que le président se représenterait. Mais son entourage commence tout doucement – l’air de rien – à évoquer un possible désistement. Et si Nicolas Sarkozy ne se présentait pas pour la présidentielle ?
Lundi matin Henri Gaino, conseiller spécial du président de la République, invité sur France Inter s’est montré très prudent face à Patrick Cohen qui lui demandait si François Hollande constituait un bon candidat pour Nicolas Sarkozy. Il a ponctué sa réponse d’un « Nicolas Sarkozy, s’il décide de se représenter… » en insistant bien sur cette deuxième partie de phrase. Depuis quand Sarkozy envisage-t-il de ne pas faire campagne en 2012 ? C’est nouveau ça ! Cohen en était d’ailleurs tout surpris, et il a pris soin dans la suite de l’interview, de mettre la formule de réserve ainsi consacrée avant chacune de ses questions sur le « candidat » Sarkozy.
Rédacteur de nombre de ses discours (NDLR: dont celui de Dakar) M. Gaino est réputé très proche du président. On peut donc supposer qu’il est correctement informé de ses intentions et sa remarque au journaliste n’est peut-être pas tout à fait anodine. Surtout qu’à bien y réfléchir Nicolas Sarkozy pourrait avoir de nombreuses raisons pour jeter l’éponge.
- Une série d’évènements particulièrement défavorables : ces derniers mois le candidat Sarkozy a enchainé les mauvaises nouvelles. Après la montée de Marine Le Pen au dépend de la droite dans les sondages au printemps, il a perdu le Sénat à l’automne validant ainsi le fait que la droite ait perdu toutes les élections intermédiaires depuis 2007. Dans la foulée, les primaires socialistes sont un gros succès populaires avec plus de 3 millions de participants, et elles consacrent la victoire de François Hollande, le candidat que les sondages donnent le plus dangereux pour Sarkozy… A vrai dire, seul le désistement du centriste Jean-Louis Borloo est venu lui mettre du baume au cœur après cette avalanche d’évènements négatifs. C’est bien maigre.
- L’usure d’un mandat difficile : dans ces dernières apparitions Nicolas Sarkozy est apparu très fatigué. Il semblait usé par un mandat particulièrement difficile (peut être même l’un des plus difficile de la cinquième république), avec deux crises économiques d’envergure mondiale à gérer. Comparé au précédent mandat de Jacques Chirac, le président peut s’estimer pas franchement aidé par la conjoncture. De plus il sait qu’il ne pourra plus revendiquer la « rupture » comme il l’avait fait en 2007 et que son bilan de président sortant est objectivement dure à défendre avec la crise. L’opposition aura le beau jeu pendant toute la campagne.
- La perspective d’une opposition forte : même s’il gagne l’élection présidentielle, l’ancien maire de Neuilly sait qu’il devra composer pendant 5 ans avec une opposition forte. Le Sénat qui vient de passer à gauche ne lui fera pas de cadeau et il n’aura qu’une faible majorité à l’Assemblée Nationale (si ce n’est pas la minorité) selon les prévisions. Il s’embarque donc probablement pour un mandat « galère », avec une situation de cohabitation quasi ingouvernable alors que le contexte économique exigera des décisions rapides et tranchantes.
- La peur de l’échec : tout le monde s’accorde à dire que Nicolas Sarkozy est un « battant », mais est-il kamikaze ? Ira-t-il au casse-pipe si la situation en Mai est (quasi) perdue d’avance ? Qu’aurait-il à gagner à s’embarquer dans une aventure aussi risquée, lui à qui tout a réussi jusqu’à présent ? Un retrait, même que temporaire, pourrait au contraire lui être très profitable. Il pourrait préparer sereinement un retour en héros « sauveur de la Droite » qui n’aurait pas su gagner sans lui. Ce quinquennat s’annonçant économiquement difficile, il n’est peut être pas stupide de le « laisser » à la gauche – donnée gagnante – pour mieux le lui reprendre en 2017.
- Il n’est peut être pas (plus) le meilleur candidat pour la droite : le président sortant n’est peut être plus le candidat qui a le plus de chance de faire gagner la droite. C’est en tout cas le raisonnement qu’on de plus en plus de gens à l’UMP, surtout en analysant les raisons de la fuite des électeurs lors des élections intermédiaires. Sarkozy n’est plus aussi légitime qu’en 2007. Un François Fillon ou un Alain Juppé pourraient avoir plus de chances de battre François Hollande que le président sortant… Et le retour en force des chiraquiens, matérialisé par la nomination de Juppé au quai d’Orsay en Février, a déjà initié cette tendance de « retour au classique ».
La politique intérieure est aujourd’hui bloquée jusqu’à la présidentielle. La majorité au Sénat ayant changée, le président ne pourra pas passer de loi majeure pour espérer améliorer son bilan d’ici mai 2012 (le Sénat n’a certes pas le dernier mot sur l’Assemblée, mais il a le pouvoir de retarder les lois, ce qui bloque inéluctablement le processus législatif jusqu’à l’élection). Il ne lui reste donc plus que la politique extérieure pour « se refaire ». En ce sens, après la victoire assurée en Libye, le sommet Européen de la fin du mois suivi par le G20 de Novembre à Cannes sont des échéances ultra-importantes pour le candidat Sarkozy. Seulement la France n’a sans doute pas les moyens de forcer une décision importante dans ces instances, même si le G20 est probablement son dernier espoir de faire un dernier coup d’éclat avant d’entrer en campagne. Gageons que l’issue du G20 sera l’ultime échéance permettant au président de prendre sa décision.
Pour terminer de valider la crédibilité de l’hypothèse, rappelons que certains « quadras » de droite (comme Xavier Bertrand Ministre du Travail ou Jean-François Copé secrétaire général de l’UMP) se positionnent de plus en plus ouvertement pour la présidentielle de 2017. En cas d’annonce d’un désistement de dernière minute de Nicolas Sarkozy, ils seraient probablement tout heureux de changer leur fusil d’épaule et de se rabattre sur l’élection de 2012.
Quoiqu’il en soit si Nicolas Sarkozy décidait réellement de ne pas se représenter en 2012, il mettrait sérieusement son camp en difficulté. D’une part parce qu’il est désormais trop tard pour organiser une primaire à Droite, et ensuite parce l’on risque de se bousculer au portillon pour lui succéder, tant il a régné en autocrate sur son parti ces dernières années (Sarkozy n’a pas de dauphin). Des difficultés de manque de leader qui était ces dernières années l’apanage de la Gauche.
Alors quel était le but de la petite phrase de Gaino hier matin ? Était-ce un ballon d’essais destiner à sonder les citoyens ? Une menace pour re-fédérer son camp autour de Sarkozy ? Ou bien le début d’une campagne de communication pour préparer l’opinion à l’idée qu’il ne se représente pas ? Nicolas Sarkozy pourrait ainsi se retirer prochainement de la course à la présidentielle avec les honneurs, en expliquant par exemple qu’il a besoin de se consacrer à sa famille et à l’enfant à venir avec Carla.
16 réponses à 18/10/2011 – Et si Nicolas Sarkozy ne se représentait pas en 2012 ?