Marion, 21 ans, « les JMJ ont plusieurs visages »

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Marion a passé cet été une douzaine de jours aux Journées Mondiales de la Jeunesses (JMJ). Elle nous raconte cette expérience et ce qui l’a motivée à rejoindre les deux millions de jeunes du monde entier qui ont participé au rassemblement. Une façon de nous intéresser à la vision « de l’intérieur », après le billet sur l’offensive des ultra-conservateurs cathos publié la semaine dernière. Entretien.

« D’ordinaire, je me définis plus comme chrétienne que comme catholique« 

Marion, 21 ans, de retour des JMJ

Marion, 21 ans, de retour des JMJ

Bonjour Marion ! Commencez donc par vous présenter. Que faîtes vous dans la vie ?

Bonjour. J’ai eu 21 ans le mois dernier. J’ai terminé une licence d’arts plastiques. J’entame à la rentrée un service civique dans une association. Je suis aussi dans les Scouts de France depuis 15 ans et je suis animatrice des 11 – 14 ans.

Comment en êtes vous venu à partir pour les JMJ ?

J’avais une bande de copains qui y allaient. C’était l’occasion de partir en vacance avec eux. Chaque année nous avons l’habitude de nous retrouver dans des lieux de rassemblement de jeunes. C’était l’occasion aussi de découvrir l’Espagne (je n’y avais jamais été), et aussi de vivre un évènement mondial. Dans un second temps j’espérais avoir l’occasion d’y mener une réflexion personnelle. De réfléchir à mon positionnement par rapport à la religion.

Quel était-il avant le départ ? Vous êtes baptisée ? Avez-vous fait votre confirmation ?

D’ordinaire, je me définis plus comme chrétienne que comme catholique. La position de l’Église sur de nombreux points me dérange un peu… Je suis baptisée et j’ai fait ma première communion. En revanche je ne suis pas confirmée. Par mon éducation, ma famille et mes années de scoutisme, j’ai toujours baigné dans le milieu catholique. Mes amis ont suivi leur parcours confirmation. Par exemple cela fait 5 ans que je me rends avec eux chaque été à Taizé pour partager la vie des frères de la communauté pendant une semaine. C’est toujours l’occasion de vivre des moments de rencontre, de discussions ou de prière.

« Je me sens donc libre d’y aller sans contrainte.« 

A ce sujet, qu’avez-vous pensé du film « des Hommes et des Dieux » ?

Attention à Taizé c’est sensiblement différent ! Déjà ce n’est pas en zone de guerre mais en Saône et Loire. Ensuite cette communauté est ouverte à tous. Jeunes et vieux, Français et étrangers, toute religion confondues. Je me sens donc libre d’y aller chaque année sans contrainte. Le film en revanche je l’ai trouvé très fort.

Donc cette année, vous aviez l’occasion de vivre ce moment estival avec vos amis à l’échelle mondiale, aux JMJ ?

Exactement ! C’est pourquoi dès Octobre nous avons répondu à l’appel.

Ce genre de voyage nécessite beaucoup d’organisation ?

Pas tellement. Le diocèse organise une bonne partie du voyage. Reste la question financière. Pour financer le voyage nous avons fait des petits « jobs » : vente de journaux, ventes de fleurs etc… Nous avons aussi aidé au financement du voyage aux JMJ des prêtres Béninois qui nous ont accompagnés.

Parce que ça coûte combien de participer aux JMJ ?

On nous a demandé 400 euros pour 12 jours, hébergements, trajets et repas compris.

Rentrons dans le vif du sujet. Quels ont été vos activités durant ces deux semaines ? Où êtes vous allé ?

Journées Mondiales de la Jeunesse 2011 à Madrid, Pape Benoit XVI

Aéroport de Cuatro Vientos pour les JMJ

Nous nous sommes d’abord rendu à Barcelone pour retrouver tous les jeunes du diocèse de Lyon. Ensuite, ensemble nous avons passé quatre jours à Valence, puis quatre jours à Madrid et enfin deux jours à Cuatro Vientos sur le site de l’aéroport avec le Pape et les jeunes du monde entier.

Mais comment se déroulaient vos journées ?

Nous assistions à des messes ou des célébrations, nous faisions quelques visites, nous assistions à des concerts… Il y avait aussi des ateliers, des discussions… Nous passions les nuits dans des écoles ou des gymnases. Il y a juste la dernière nuit que nous avons passé à la belle étoile sur les pistes de l’aéroport.

Qu’est-ce qui vous le plus marqué ? Que retiendrez-vous de cette expérience ?

J’ai rencontré énormément de monde. Il y a  plein de gens avec qui j’ai gardé contact. Sur Facebook, par mail ou par téléphone. Je vais sans doute passer le Réveillon avec des amis de Roanne rencontrés à Madrid… On a eu toutes sortes de moments forts ensemble, avec des temps festifs durant concerts, mais aussi des temps de réflexion avec discussions politiques ou religieuses intéressantes. La tradition des JMJ nous amène à échanger des objets (foulards, badges, scoubidous, chapeaux…) ce qui nous permet de nouer facilement le contact et de garder un souvenir de chacun.

« Notre chef de bus […] nous imposait un chapelet complet après chaque pause« 

Vous avez rencontré des jeunes d’autres cultures et d’autres nationalités ?

Oui bien sûr. Il y avait principalement des étrangers. J’ai pu rencontrer des gens qui venaient de très loin. Des Brésiliens, des Américains, des Canadiens, des Sud-Coréennes… et bien sûr des Espagnols. C’était d’ailleurs l’occasion de pratiquer un peu l’Espagnol que je ne connaissait pas du tout (ayant pris Allemand en seconde langue).

Quels souvenirs garderez-vous de ces rencontres avec les jeunes du monde ?

Nous avons appris à danser le madison à des Américaines… Ce qui était un grand moment ! Je crois que je m’en rappellerai longtemps. Nous avons aussi discuté longtemps avec des Sud-Coréennes, de leur ressenti par rapport à la Corée du Nord. C’est toujours intéressant d’avoir le point de vue des gens sur place. Ça change un peu de ce que l’on peut lire partout dans les médias.

Y-a-t-il des choses qui vous ont choqué ?

Journées Mondiales de la Jeunesse 2011 à Madrid, Pape Benoit XVI

Le Pape Benoit XVI lors de la messe de clôture des JMJ 2011

Oui malheureusement. Notamment à Valence durant les journées organisées par mon diocèse. Ils ont par exemple prévu des activités uniquement franco-françaises, complètement déconnectée des autres pays. Heureusement que l’on a rencontré les jeunes venant d’ailleurs à Madrid parce qu’à Valence on est resté entre nous, dans un planning très rigide.

Il y avait aussi une organisation très conservatrice. Dans l’emploi du temps on devait prier en permanence. Forcer les jeunes à prier ce n’est pas très malin, et cela n’apporte rien. Par exemple, notre chef de bus était un prêtre qui nous imposait un chapelet après chaque pause (plusieurs enchaînement de prières en boucle : un « Je crois en Dieu », un « Notre Père », dix « Je vous salue Marie », un « Gloire au père »… etc). Je ne comprenais pas trop le sens de ces répétitions mécaniques de prières. Pour moi la quantité ne fait pas la qualité. Nous étions d’ailleurs nombreux à ne pas nous retrouver dans ce système un peu rétrograde.

On nous a aussi briefé lors des ateliers sur l’importance de l’évangélisation pour la poursuite de la création d’un monde chrétien parfait. La mission de l’Homme étant de prolonger le travail du Dieu créateur. Ce genre discours me parait intolérant par rapport aux autres religions. Un peu extrémiste et surtout réducteur.

« Croyez-vous qu’il s’agisse d’un bon comportement chrétien que de venir provoquer les garçons aux toilettes ? »

Cette vision conservatrice, vous la ressentiez au quotidien ?

Oui et c’est un peu dommage. Si je peux vous donner un exemple…

On vous en prie…

Dans des rassemblements de cette ampleur il y a toujours des problèmes sanitaires dus aux nombre de participants. Par exemple il y avait des files d’attente interminables aux toilettes des filles. Plus que pour les garçons parce que nous y passons un peu plus de temps. J’avais donc pris l’habitude, pour gagner du temps, d’aller faire ma petite commission dans les toilettes pour homme. Une fois, alors que je faisais mon affaire, j’entends un homme à proximité qui se plaint de la présence de fille chez les garçons. En sortant me laver les mains, je m’aperçois que c’est un prêtre et il commence à me sermonner. « N’avez-vous pas honte ? Avez-vous pensé à l’intimité des garçons ? Croyez-vous qu’il s’agisse d’un bon comportement chrétien que de venir les provoquer ? ». Atterrée je lui ai répondu qu’il n’était pas du tout question de cela, mais que dans de telles circonstances il fallait réfléchir logique, pratique et rapide. Les toilettes étant individuels et fermés, je ne vois pas en quoi mon comportement était choquant. Et puis ce n’est pas lui qui se coltinait une demi-heure d’attente pour aller pisser… Cette réflexion reflète assez bien le fait que certains prêtres ont encore 30 ans de retard…

A ce point là… ?

Et ce n’est pas mon seul exemple… J’ai eu une longue discussion avec un autre prêtre dans le bus pour Madrid. Je l’interrogeais sur le fait que l’Homme pêcheur doit toujours demander pardon à Dieu (thème extrêmement présent dans ces JMJ). Il m’a répondu que l’Homme tendait toujours au Mal, que c’est pour cela qu’il fallait toujours demander pardon. Qu’il y a différentes sortes de pêchers, qui vont de couper la parole à quelqu’un à l’adultère. Il disait aussi que même si l’on ne connait pas le pécher pour lequel on doit se faire pardonner, Dieu lui le connait.

Cette vision de la relation avec Dieu me parait un peu rétrograde. On semble payer en permanence le pêcher originel. A mon sens cette culpabilité permanente dans la religion catholique a déjà fait suffisamment de mal.

A ce sujet, que pensez-vous des CD qui ont été distribué aux JMJ par l’ADCC (Association pour la Diffusion de la Culture Chrétienne) et la Communauté de l’Emmanuel ? (Voir à ce sujet l’article de Pandora Vox publié la semaine dernière)

C’est dans la même logique conservatrice. Je ne pense pas que cela reflète les idées de la majorité des jeunes participants aux JMJ. Ces associations profitent de tels rassemblements pour faire du prosélytisme pour leur façon de penser. On peut regretter que l’Église et les organisateurs ne fasse pas un peu le tri…

On a eu ce CD-ROM à la fin, mais déjà dans le bus on nous avait distribué une revue tendancieuse, sensée répondre à nos questions sur la vie. On expliquait dedans que l’homosexualité était une maladie psychique que la religion doit aider à guérir… Nous avons discuté de cela avec d’autres pèlerins dans le bus. Ce qui me fait peur, c’est que certains d’entre eux partageaient complètement cette vision intégriste…

Croyez-vous qu’il existe un profil type du « jmjiste »  ?

Non pas du tout ! C’est tout le contraire. D’après tous les gens que j’ai pu rencontrer, l’assistance est vraiment très hétérogène. Il y a par exemple des jeunes « fils de bonne famille », très coincés et très conservateurs – limite fachos. Mais aussi des baba-cools avec des dread-locks (sic) ! Des Sud-Américains de confession évangéliste, des Philippins fous de Dieu et du Pape… Tout le monde est différent ! C’est d’ailleurs ce qu’il y a d’enrichissant.

A noter tout de même qu’il y a beaucoup plus de filles (au moins 60%).

« Chacun a sa façon de vivre ses JMJ« 

Qu’est-ce que les JMJ ont changé pour vous ?

Comme nous l’avons vu ensemble, par moment j’ai été confrontée à des positions quasi intégristes. Je sais donc aujourd’hui mieux me situer par rapport au dogme. En cela les JMJ m’ont beaucoup apporté. Cela me confirme donc dans ma vision initiale de distance par rapport à l’Église catholique, tout en étant une croyante chrétienne.

Après, il y a vraiment plusieurs JMJ…

Que voulez-vous dire ?

Je veux dire que ces rendez-vous ont plusieurs visages., en fonction des participants que l’on rencontre. Nous avons vu auparavant ensemble que certains positionnements extrêmes sont loin d’être partagés par tous. Il est nécessaire de garder de la distance par rapport à cela, et de prendre ce qu’il y a de bon à prendre.

Il n’y a pas qu’une seule façon de vivre les JMJ. Tout dépend de l’état d’esprit dans lequel l’on s’y rend et de ce que l’on vient y chercher. Par exemple à Madrid nous avons profité des festivals de musique bien que cela ne soit pas prévu dans le programme officiel. C’était excellent ! Ces concerts n’avaient en revanche rien à voir avec l’Église…

Vous y retourneriez ?

Oui bien entendu ! Peut-être bien que dans deux ans nous irons à Rio pour les prochains JMJ. En attendant, ça m’a vraiment donné le goût du voyage et de la découverte…

Merci pour vos éclaircissements. Et à très bientôt !

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2 réponses à 10/09/2011 – Marion, 21 ans, « les JMJ ont plusieurs visages »

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