Au Wisconsin se jouait l’avenir des syndicats Américains

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Comme l’actualité internationale est chargée en ce moment, on en a peu parlé dans les médias Français, mais outre-Atlantique on a appelé cela la « bataille du Wisconsin » (voir ce blog). D’un coté Scott Walker, gouverneur de l’état du Wisconsin – élu cet hiver avec les voix du Tea Party – et de l’autre les syndicats. L’enjeu : une loi visant à supprimer la représentation collective dans la fonction publique ainsi qu’une augmentation drastique des cotisations pour les fonctionnaires. La bataille fut âpre, mais la loi est passée en force…

Une loi visant à démolir les syndicats qui mobilise tout l’état

C'est où le Wisconsin ?

C'est où le Wisconsin ? (Wikipédia)

Le la loi proposée il y a quelques semaines par le gouverneur Scott Walker est relativement claire : elle prive les syndicats des employés de l’État de presque tous leurs droits en matière de négociation collective. Cela, dit-il pour « donner plus de souplesse au gouvernement » et lui permettre « de réaliser des économies budgétaires de 300 millions de dollars sur les deux prochaines années« , tout en lui évitant d’avoir à « procéder à des licenciements« . Cette question a poussé début mars des dizaines de milliers de manifestants dans les rues de Madison, la capitale du Wisconsin. Comme le rapporte Cyberpresse.ca certains passant même la nuit dans les couloirs du Capitole, pour protester contre ce qu’ils considèrent comme une volonté pure et simple de détruire les syndicats.

Les gouverneurs républicains de plusieurs États du Midwest se servent du prétexte d’une volonté de réduire les dépenses publiques et de combler les trous budgétaires, pour s’attaquer aux acquis et droits syndicaux des fonctionnaires. Seulement tous les Américains n’avalent pas la couleuvre pour autant. La plupart voient dans cette attaque au droit de négociation collective une stratégie pour affaiblir le mouvement syndical et diminuer son influence sur la politique. Les Républicains ont un différent historique avec les syndicats qui ont toujours été des alliés précieux des Démocrates, qui profitent de leur argent et de leur capacité de mobilisation à l’occasion des élections. Selon Cyberpresse.ca environ 60% des Américains ont exprimé leur opposition à l’affaiblissement des droits des fonctionnaires à une convention collective.

Cependant les républicains du Wisconsin ont donné des idées à d’autres gouverneurs républicains de 36 États – dont certains issus des élections de mi-mandat en novembre dernier – qui prévoient de légiférer contre les syndicats et d’adopter des lois qui réduiraient les acquis et droits syndicaux des employés du secteur public. Ils mettraient ainsi fin à une source majeure de financements et d’électeurs pour le parti démocrate.

Un gouverneur obtus, des sénateurs démocrates qui quittent l’état

Au Wisconsin, après s’être concertés, les démocrates et les syndicats ont proposé au gouverneur d’accepter la loi, si en échange il abandonnait la provision anti-syndicats. Mais le gouverneur Walker a refusé…

Du coup pour empêcher le passage de la loi, les 14 sénateurs démocrates du Wisconsin ont quitté l’État pour trouver refuge en Illinois. En effet la présence d’au moins un sénateur d’opposition est requise pour que les républicains – majoritaires au Sénat du Wisconsin – puissent passer au vote. Les élus démocrates décidant de rester à l’extérieur de l’État tant qu’une entente ne serait pas conclue.

Manifestations monstres à Madison

Manifestations monstres à Madison (Image AP)

Walker a alors réagit en menaçant de licencier 1 500 employés de l’État si les 14 sénateurs démocrates exilés en Illinois ne revenaient pas à Madison pour participer au vote controversé. Mais le gouverneur n’a pas eu à mettre ses menaces à exécution,  le 10 Mars, les Républicains on trouvé une astuce technique (et légale) pour passer la loi en dépit de l’absence des sénateurs démocrates (Courrier International). La loi  privant les syndicats de leur convention collective tout en augmentant les cotisations sociales des fonctionnaires est donc passée en force.

Ne s’avouant pas vaincus, les syndicats locaux ont déclaré qu’ils allaient essayer de demander un nouveau vote et dénoncer la procédure employée devant les tribunaux. Le bras de fer entre le gouverneur du Wisconsin et les syndicats s’est aussi poursuivi le week-end suivant à Madison, où près de 100 000 personnes ont manifesté le samedi 12 Mars (chiffres selon la police).

Piégé par un canular

Las de ne pouvoir joindre le gouverneur, un journaliste d’un site web progressiste local a appelé Walker au téléphone et s’est fait passer pour le milliardaire conservateur David Koch, le plus important donateur de la récente campagne du gouverneur.

Durant la conversation d’une vingtaine de minutes – enregistrée et diffusée sur Internet – le gouverneur révèle avoir songé à placer des agitateurs parmi les manifestants afin de créer du trouble. Il dit aussi d’un sénateur démocrate modéré et allié potentiel:  « Il est raisonnable, mais il n’est pas l’un des nôtres. Il n’est pas là pour des raisons politiques. Il cherche à trouver des solutions pragmatiques. » (Cyberpresse.ca)

Ces révélations ont amenés la tension à son paroxysme et ne sont sans doutes pas étrangères aux mobilisations massives lors des manifestations du 12 Mars à Madison.

Obama garde ses distances

Ce qu’il est important de noter c’est qu’au cours de cette histoire la Maison-Blanche  a toujours gardé ses distances dans ce débat. En dépit du rôle majeur qu’ont joué les syndicats dans l’élection d’Obama à la présidence en 2008, aucun de ses représentants ne s’est rendu à Madison – ou dans tout autre État aux prises avec une crise des relations de travail semblable. Le mois dernier, des leaders syndicaux avaient pourtant demandé à ce que le vice-président Joe Biden se rende au Wisconsin pour jouer un rôle de premier plan dans le combat contre le gouverneur Walker. Mais cette demande a été rejetée par l’intéressé et les syndicalistes se sont retournés vers Hilda Solis, secrétaire américaine au Travail.

L’administration Obama n’a sans doute pas voulu être associée aux organisations syndicales qui n’ont pas toujours bonne presse dans l’opinion publique nationale, souvent décrites comme des pieuvres mafieuses. Un angle d’attaque qui n’avait d’ailleurs pas échappé au Parti républicain, qui avait même déjà commencé à diffuser des publicités liant le président américain aux « patrons syndicaux » qui feraient obstacle aux coupes budgétaires au Wisconsin.

Ces évènements du Wisconsin – restés confidentiels en France – sont révélateurs d’un certains réveil social des Américains. Ils ne peuvent désormais plus accepter en silence la mort programmée des classes moyennes et de leurs droits. Avec cette loi, les Républicains voulaient tuer les syndicats, ils ont provoqué le réveil de la conscience sociale. Et cet épisode pourrait se révéler bénéfique à terme pour les syndicats. Comme le déclarait le cinéaste Michael Moore à la foule rassemblé devant le capitole, « Madison n’est que le début« . A voir les mobilisations monstres que Walker a provoqué, dans un pays pourtant peu habitué aux grandes manifestations, on pourrait être tenté de le croire…

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