L’affaire du « Vingtième »: une première tentative pour faire payer des impôts aux riches… en 1749

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Lorsque l’on se plonge dans l’Histoire il est toujours étonnant de trouver des évènements vieux de plusieurs siècles qui font autant écho à notre actualité. On se rappelle par exemple de l’épisode du « krach des tulipes » que nous avions évoqué l’année dernière. Il s’agit cette fois-ci de remonter le temps jusqu’au XVIII ième siècle, lorsque Machault d’Arnouville, contrôleur général des finances de Louis XV, décide de mettre en place une politique de justice fiscale en taxant de façon unique tous les sujets du royaume. Pour la première fois clergé et noblesse vont devoir payer des impôts. Une expérience à méditer...

Le contexte: une France ruinée

Jean-Baptiste de Machault d'Arnouville

Jean-Baptiste de Machault d’Arnouville (Wikipedia)

En 1748 la France sort de la Guerre de Succession d’Autriche affaiblie et fortement endettée. D’autant que le Royaume est aussi en déficit chronique (estimé à 100 millions de livres en 1745) ce qui déséquilibre les finances. Jean-Baptiste de Machault d’Arnouville, proche de Mme de Pompadour et membre éminent du parti philosophique (porteur des idées des Lumière, par opposition au parti dévot), est contrôleur général des finances. Il est sommé de trouver une solution durable par le roi.

Il décide en 1749 de créer un impôt direct touchant l’ensemble de la population (tiers-état, nobles et clergé), en prélevant un vingtième des revenus (édit de Marly, 1749). Cette mesure de justice fiscale constitue une brèche dans le statut privilégié du clergé et de la noblesse, traditionnellement dispensés, les premiers effectuant un « don gratuit » au trésor et s’occupant des pauvres et de l’enseignement, les seconds payant « l’impôt du sang » sur les champs de bataille. Cette mesure fiscale constitue alors une grande première dans l’histoire de France, bien qu’elle ait été déjà envisagée par des esprits visionnaires comme Vauban au temps de Louis XIV.

Ce nouvel impôt est adopté en remplacement du « dixième » et entre en vigueur le 19 mai 1749, le jour même de son enregistrement. Enfin, contrairement aux habitudes fiscales de l’époque ce nouvel impôt est créé en période de paix et devient donc normalement définitif.

La révolte des privilégiés

Le Tiers-État portant le Clergé et la Noblesse sur son dos

Les Trois Ordres de l’Ancien Régime: Le Tiers-État portant le Clergé et la Noblesse sur son dos (caricature anonyme de 1790, Wikipedia)

Dès l’édiction de la loi, les lobbys et personnes influentes font pression de tout leur poids pour que le roi revienne sur sa décision. De leurs coté le clergé et les provinces émettent de vives protestations et attisent des émeutes, comme l’expliquent Robert Muchembled, Elisabeth Belmas dans leur livre sur le XVIIIe siècle:

« [Machault] se heurte à la résistance des États Provinciaux, des parlementaires Parisiens avant d’échouer devant la ferme résolution de l’Assemblée générale du Clergé. »
(Le XVIIIe siècle, 1715-1815, par R. Muchembled & E. Belmas

Pressé par son entourage et par la cour – qui sont concernés au premier chef par le nouvel impôt – Louis XV abandonne la partie et en exempte le clergé en 1751. Finalement, le « vingtième » finit par se fondre dans une augmentation de la taille, qui ne touchait pas les classes privilégiées. Ce fut la première défaite de la « guerre de l’impôt » engagée contre les privilégiés.

« Institué en pleine paix, [le vingtième] devait représenter un vingtième de tous les revenus. Il ne porta en réalité que sur les revenus foncier et resta inférieur à un vingtième réel. Tantôt unique, tantôt doublé (un second vingtième fut créé en 1756), voire triplé (de 1760 à 1763 et de 1782 à 1786), le vingtième constitua jusqu’à la Révolution le moins mauvais des impôts de l’Ancien Régime.« 
(Le XVIIIe siècle, 1715-1815, par R. Muchembled & E. Belmas)

Cet impôt de conception moderne, qui constituait un argument de justice sociale dans une société ultra-déséquilibrée, était voulu par les conseillers du roi se revendiquant des Lumières. Malheureusement la faiblesse du souverain l’a poussé à revenir en arrière. Pour avoir cédé aux privilégiés qui voyaient en ce nouvel impôt une menace, la Royauté Française n’a finalement que précipité la Révolution qui allait lui être fatale 50 ans plus tard.

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