Côte d’Ivoire : et si Gbagbo avait vraiment gagné les élections ?

Imprimer cet article    Version PDF    Poster sur facebook    Tweeter la page    Ajouter à  MySpace    Ajouter sur del.icio.us    Digg this    

Depuis un mois, en France, on nous dit que Alassane Ouattara a remporté les élections en Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo n’est présenté que comme un mauvais perdant qui s’accroche au pouvoir dans la tradition des dictateurs Africains. Ouattara le gentil, Gbagbo le méchant. Comme si c’était aussi simple… arrêtons-nous cinq minutes et posons la question : et si Gbagbo avait vraiment gagné les élections ?

Une version officielle très manichéenne

Laurent Gbagbo en 2007 (Wikipedia)

Dans cette affaire les apparences sont vraiment contre Laurent Gbagbo. Au moment où la commission électorale indépendante (CEI) devait proclamer le résultat définitif des élections, ses partisans ont empêché physiquement le porte-parole d’annoncer les résultats. Ceux-ci n’ont alors été communiqués que quelques jours plus tard, soit en dehors des délais légaux. Ce délais non respecté est le prétexte derrière lequel le clan Gbagbo se réfugie pour dénoncer ces élections. Ils accusent aussi la CEI d’être un pantin des pressions internationales et la France et les Etats-Unis de s’immiscer dans la vie politique d’un état souverain (lire son entretien accordé au Monde).

Les médias Français, dans la droite ligne du quai d’Orsay, ont donc repris tous en cœur la version des faits présentant Gbagbo comme l’usurpateur. Il ne restait guère en France que les partisans de Gbagbo d’origine ivoirienne pour soutenir sa cause publiquement. Ces Ivoiriens qui continuent de soutenir le président sortant sont-ils réellement tous des extrémistes sans « culture de la démocratie » comme on veut bien le dire non sans condescendance ? Ou bien ont-ils de bonnes raisons de penser qu’on leur a volé leur élection ?

Quelques anciens amis de Gbagbo, du coté du PS, se sont un peu manifestés, mais de façon plutôt ambigüe. On a par exemple l’appel de Jack Lang sur France Inter « Mon cher Laurent… » ou le message d’Henri Emmanuelli dénonçant « des médias donneurs de leçons » et « une campagne de dénigrement contre les autorités Ivoiriennes« (JDD). Mais en dehors de ces quelques discrètes exceptions, personne ne s’est trop posé de questions sur une vision des choses qui reste somme toute très manichéenne.

Et puis vendredi dernier (le 31 décembre), un groupe de personnalité emmenées par l’avocat Jacques Vergès et l’ancien ministre des Affaires étrangères Roland Dumas prennent publiquement le parti de l’ancien président Ivoirien. Vergès annonce se rendre en Côte d’Ivoire auprès du conseil constitutionnel pour prendre connaissance des documents qui prouve l’élection de Gbagbo (Rue89). Il accuse aussi la France d’avoir « préparé une agression contre la Côte d’Ivoire« .

Alors c’est Vergès, et l’on connait toute l’ambiguïté de ce personnage qui a l’habitude d' »envoyer du lourd » quand il s’agit de dénoncer la politique né-coloniale de la France en Afrique ; mais avouons qu’il n’y aurait rien de nouveau à ce que la France ou les Etats-Unis s’impliquent dans un pays tiers pour asseoir le pouvoir d’une personnalité qui leur est favorable. Rappelons bien que le rôle du quai d’Orsay est bien de servir les intérêts de la France, pas ceux de la Côte d’Ivoire idem pour le Secretary of State d’Hillary Clinton… Soutenir la démocratie, certes, mais ne soyons pas naïfs non plus ! Rappelons la phrase attribuée à Henry Kissinger à propos du dictateur Indonésien Suharto auteur d’un génocide au Timor oriental dans les années 70 : « c’est peut être un fils de pute, mais c’est notre fils de pute« . La politique étrangère c’est du machiavélisme pur, et au sens propre du mot. Alors à qui faire confiance ? A l’ONU ? C’est à peine mieux… C’est normalement un rôle dévolus aux ONG par définition indépendantes des gouvernements. A-t-on entendu une ONG se prononcer sur la crise Ivoirienne ? Pas à notre connaissance en tous cas.

Comme un doux parfum de Françafrique

Intéressons nous un petit peu au profil d’Alassane Ouattara, qui reste moins connu en France que son rival. Sur Wikipedia voici ce qu’on trouve dans le chapitre ‘Famille’ :

« En 1990, Alassane Ouattara et Dominique Novion se marient. Le mariage est célébré à Neuilly-sur-Seine par le maire Nicolas Sarkozy. Mme Novion est une femme d’affaires qui gère les propriétés immobilières du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny et de son collègue gabonais Omar Bongo. Le couple a deux enfants. En 2000, Dominique Ouattara fait partie des 40 femmes d’affaires les plus importantes au monde. » (Source Wikipedia, cet article de l’encyclopédie ayant été écrit sur la base d’un article du journal Belge Le Soir dédié aux épouses de Gbagbo et Ouattara).

Les époux Ouattara

Lorsque l’on sait aussi que Wikileaks a révélé dernièrement qu’Omar Bongo a financé les campagnes électorales de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy (Rue89), on se dit qu’il y a forcément anguille sous roche. La gestionnaire de son patrimoine immobilier pouvait-elle l’ignorer ? Dans tous les cas, il n’est donc peut être pas si étonnant que le gouvernement Sarkozy soutienne Ouattara. Pouvait-il seulement en être autrement ?

L’épouse de Ouattara semble jouer un rôle important dans l’histoire, d’une part en gérant la fortune immobilière de Bongo, pilier de la Françafrique, et d’autre part en s’occupant aussi les biens d’Houphouët-Boigny (ancien président de Côte d’Ivoire dont Gbagbo a été l’opposant historique), qui a lancé la carrière politique de son mari en le nommant premier ministre… Dans le biotope des relations Franco-Africaine, le monde est tout de même très petit ! Dans celui du financement occulte des partis politiques aussi…

C’est sûr qu’au moment où il fallut choisir entre Ouattara et un Gbagbo gênant car de plus en plus anti-Français, le gouvernement Sarkozy n’a pas eu à hésiter longtemps. Quant aux Américains, systématiquement exclus des marchés de Côte d’Ivoire par le gouvernement Gbagbo ils ont eu le même raisonnement.

Ces considérations géopolitiques, ne font bien sûr pas de Gbagbo le gagnant des élections, mais cet article avait juste pour but de mettre en lumière une certaine « désinformation » qui règne en France sur le sujet ou pour le moins une information à sens unique. Ce qui est sûr, comme dirait Anne Roumanoff, c’est qu' »on ne nous dit pas tout« , après, Pandora Vox se gardera bien de se prononcer sur le vainqueur réel de ces élections. Il serait juste de temps pour les grandes puissances d’arrêter de prendre l’Afrique comme un terrain de jeu international. Car ce sont des Africains qui en souffrent au quotidien, et qu’à jouer avec le feu, la perceptive d’une solution pacifique en Côte d’Ivoire s’éloigne malheureusement maintenant de jour en jour.

Ce contenu a été publié dans Monde, Politique, avec comme mot(s)-clef(s) , , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

38 réponses à Côte d’Ivoire : et si Gbagbo avait vraiment gagné les élections ?

  1. Ping : Tunisie ou Egypte : ils sont dictateurs et tour-operateurs ! | Pandora Vox

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.