Eric Woerth, l’homme de toutes les magouilles

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On parle souvent ces derniers mois de l' »Affaire Woerth » qui mettrait en cause l’ancien ministre du Travail, porteur de la récente réforme sur les retraites. Mais de quelle affaire s’agit-il exactement ? Car celui qui est aussi l’ancien ministre du Budget traine derrières lui de multiples casseroles qui le rattrapent aujourd’hui qu’il n’est plus au Gouvernement. Petit état des lieux de ce que l’on reproche à Éric Woerth.

1 – Ministre du Budget et trésorier de l’UMP

Il ne suffit pas d'avoir une tête de gars honnête.

Éric Woerth occupe successivement depuis 1993 diverses fonctions de trésorerie au sein du RPR puis de l’UMP (directeur financier de campagne, trésorier, collecteur de fonds…). Président de l’Association de financement pour la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, il est chargé de collecter de l’argent auprès des plus grandes fortunes pour financer la campagne. Ensuite, en tant que trésorier de l’UMP, il continue de récolter des fonds auprès de donateurs potentiels. Fonction au sein de la formation de droite qu’il conserve lorsqu’il devient ministre du Budget en 2007.

Une situation de conflit d’intérêt manifeste qui est dénoncée de façon virulente par l’opposition mais aussi par certaines personnalités de droite :

«Messieurs Juppé et de Villepin considèrent incompatibles les fonctions de trésorier de l’UMP et de ministre du Budget. M. Woerth lui-même annule la réunion des donateurs. Mme Lagarde souhaite une clarification. Mme Woerth, elle-même, dit avoir sous-estimé le conflit d’intérêts… » (le socialiste David Assouline dans Libération)

2 – Défiscalisation des écuries de course

Un deuxième point qui est régulièrement reproché à l’ancien ministre du Budget est son intervention personnelle pour permettre la défiscalisation des investissements dans les écuries de courses.

Hippodrome de Chantilly

En effet, Éric Woerth, maire de Chantilly depuis 1995, est aussi connu pour être un grand amateur de courses et de chevaux. Une passion d’ailleurs partagée par son épouse, Florence, fondatrice d’un club de dames amatrices de sports hippiques. La filière hippique doit d’ailleurs beaucoup à Mr Woerth qui a permis le sauvetage de l’hippodrome de Chantilly grâce aux investissements de l’Aga Khan.

En Août 2007, le Gouvernement Sarkozy fait voter la loi TEPA (Travail Emploi et Pouvoir d’Achat, déjà évoqué lors de notre article sur le débat des 35 heures). L’une des dispositions de la loi TEPA, destinée à favoriser l’emploi, permet de déduire de l’ISF 75% des investissements réalisés dans les PME. Comme l’explique Thierry Dupont journaliste de l’Express à France Inter (source ‘La bas si j’y suis’), Éric Woerth s’engage alors personnellement en prenant la parole à l’Assemblée pour défendre la possibilité de faire entrer les investissements dans les écuries de courses dans ce nouveau cadre législatif. Mr Woerth réussira a faire voter la disposition, en dépit de protestations de députés des deux camps qui trouvaient la ficelle un peu trop grosse (Gilles Carrez député UMP, spécialiste des finances, pointait notamment les risques d’abus).

Grâce à Woerth les écuries hippiques sont aujourd’hui considérées comme des PME et si l’on est assujetti à l’ISF, il est désormais possible de défiscaliser ses investissements en créant à plusieurs une écurie hippique, à hauteur de 75% (avec un plafond à 50 000€).

Il faut écouter à ce sujet le ‘piège’ tendu par la journaliste de France Inter Pascale Pascariello à l’un des fondateurs l’association ‘Cheval Invest’ (disponible ici) pour prendre la mesure de cette vaste escroquerie. Il avoue en direct qu’il ne crée aucun emploi en montant une écurie. Le pire étant que cette niche n’est pour l’instant pas dans la cible du « rabot fiscal » prévu pour le budget 2011 ! L’État n’est donc pas près d’arrêter de financer les courses hippiques de Mr Woerth…

3 – Affaire de l’hippodrome Compiègne

Éric Woerth est en ce moment en justice pour une affaire aussi liée au monde hippique : la vente d’une partie de la forêt domaniale de Compiègne à l’association des courses de Compiègne.

En Mars 2010, le Canard Enchaîné et Marianne révèlent qu’Éric Woerth a autorisé, la vente à l’association privée Société des courses de Compiègne d’une parcelle de la forêt domaniale à un prix très inférieur à celui du marché. Une impression de fraude qui est renforcée lorsqu’est publiée en septembre 2010 une lettre de 2003 du ministre de l’agriculture Hervé Gaymard, qui indique que cette vente est impossible « compte tenu de la législation sur les forêts domaniales ». Pour ne rien arranger, selon le Canard Enchainé toujours, il semblerait aussi que le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire « a bel et bien tenté de s’opposer à cette vente illégale ».

Enfin, le Courrier Picard en rajoute quand il explique que les terrains étaient bels et bien une surface constructible (donc de plus grande valeur), et qu’aucun appel d’offre n’a été réalisé pour cette vente de gré à gré qui s’est finalement signée pour moins de 5€ le mètre carré. Enfin il porte l’estocade en précisant que le président de la société bénéficiaire est un membre éminent de l’UMP… (source le Courrier Picard).

Le monde hippique doit donc véritablement beaucoup à Éric Woerth !

4 – Affaire de la légion d’honneur de Mr de Maistre

Comme le rappelait encore cette semaine Envoyé Spécial en enquêtant sur la Légion d’Honneur (voir « Les hochets de la République« ) une autre affaire a beaucoup fait parler de Mr Woerth : il s’agit de la remise de la légion d’honneur à Patrice de Maistre en Juillet 2007.

Comme le révèle l’Express en Août 2010 (L’Express), Éric Woerth est bien intervenu auprès de Nicolas Sarkozy – alors ministre de l’Intérieur – afin qu’il lui valide la remise de la Légion d’Honneur à Mr de Maistre. Dans ce courrier, Woerth vante les mérites de celui qui était l’un des grands pourvoyeurs de fonds de l’UMP en appartenant au Premier Cercle des donateurs et en étant l’un des collecteurs de fonds légaux pour l’UMP.

Un Patrice de Maistre qui a aussi embauché en 2007 (l’année de sa Légion d’Honneur) Florence Woerth, la propre épouse de l’ancien ministre, dans sa société Clymène chargée du placement des dividendes perçues par Liliane Bettencourt de ses actions L’Oréal (source Nouvel Obs). Mais nous sommes déjà en train de dériver sur l’affaire suivante…

5 – Affaire Woerth-Bettencourt

Parce qu’il le valait bien…

C’est la principale chose qui est reprochée à Eric Woerth, la plus grave aussi. Lui qui s’était fait le champion de la lutte contre l’évasion fiscale, est accusé d’avoir favorisé celle de la personnalité la plus riche de France : Liliane Bettencourt. Tout ceci se serait passé par l’entremise de son épouse Florence, chargée de gérer la fortune de la propriétaire de l’Oréal.

En Juin 2010 le journal en ligne Mediapart publie un article sur la base d’enregistrements réalisés clandestinement en 2009 et 2010 par Pascal Bonnefoy, le majordome de Liliane Bettencourt. Selon Mediapart, ces enregistrements mettent en lumière « diverses opérations financières destinées à échapper au fisc, des relations avec le ministre Eric Woerth et son épouse, ainsi que les immixtions de l’Élysée dans la procédure judiciaire« . On y découvre aussi des conflits d’intérêts entre Liliane Bettencourt, Éric Woerth – alors ministre du Budget – et Florence Woerth, qui a été une employée de Clymène, filiale de Téthys, sociétés gérant respectivement la fortune Bettencourt et les titres du groupe L’Oréal. Mme Bettencourt est aussi soupçonnée de fraude fiscale, les écoutes laissant penser qu’elle est propriétaire d’une île aux Seychelles et de comptes bancaires à l’étranger sans les avoir déclarés au impôts. Enfin, un possible financement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy est aussi évoqué par l’ancien comptable de Mme Bettencourt, lorsqu’il est entendu par les enquêteurs.

On notera que dans la plupart des affaires évoqués ci-dessus, Woerth a commencé par nier, avant de changer de version lorsque de nouveaux éléments lui étaient présentés, ce qui ne fait que renforcer les soupçons déjà plutôt bien étayés.

Dans l’attente du résultat des affaires judiciaires en cours, et face à autant de situations aussi louches, on ne peut aujourd’hui que se féliciter du départ du Gouvernement d’une personnalité cultivant autant le mélange des genres qu’Éric Woerth. On pourra en revanche regretter que le Gouvernement n’est pas pris ses responsabilités plus tôt, préférant soutenir le ministre porteur de sa réforme sur les retraites, plutôt que de prendre à temps les dispositions permettant de lever tout soupçon.

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