A l’heure ou l’Espagne s’enfonce un peu plus dans la tourmente et que l’Europe semble à nouveau à la merci de la crise de l’Euro, Susan George, Stéphane Hessel et Edgar Morin (169 ans à eux trois comme le faisait remarquer Rue89) ont réunis leurs amis autour du collectif Roosevelt 2012. Considérant que « la première bataille à mener aujourd’hui est une bataille intellectuelle » et en se basant sur les écrits du prix Nobel Joseph Stiglitz (« Le triomphe de la stupidité »), ils se proposent de « dire l’urgence et redonner l’espoir » avec des propositions dignes du « New Deal » mis en place par F. D. Roosevelt à partir de 1933.
« Nos sociétés approchent d’un point de non-retour«
Michel Rocard – qui fait partie du collectif – affirmait en 2007 que «le capitalisme vivait une crise suicidaire pour l’humanité». C’est forts de ce constat et de la certitude que « nos sociétés approchent d’un point de rupture, d’un point de non-retour« , que le collectif Roosevelt 2012 s’est formé.
La volonté des membres est de livrer bataille sur le terrain institutionnel et idéologique. Parce que « si ce sont des décisions politiques qui nous ont amenés à la crise, d’autres décisions politiques peuvent nous en sortir » comme l’explique le manifeste. Pour les membres du collectifs, le problème de nos sociétés aujourd’hui est essentiellement un problème de diagnostic. Qui s’il est mal posé ne peut déboucher sur aucune solution:
« Plutôt que de s’attaquer aux racines de la crise, plutôt que de changer radicalement un système économique que tous, en 2008, disaient vouloir transformer de fond en comble, nos dirigeants ont continué la fuite en avant, en remplaçant la «transfusion» de dette privée par une transfusion de dette publique«
L’idée derrière « Roosevelt 2012 » est finalement assez simple: si la crise économique de 2008 est la plus importante depuis celle de 1929, peut-être serait-il intéressant d’aller chercher du coté des remèdes utilisés à l’époque… C’est là que le New Deal de Roosevelt sort des archives.
En 1933 aux États-Unis « l’activité législative est prodigieuse: en 3 mois, Roosevelt fait adopter plus de réformes que Hoover en 4 ans. Le processus est d’une rapidité extraordinaire: certaines lois sont présentées, discutées, votées et promulguées dans la même journée. »
Si la nouvelle donne proposée par Roosevelt n’a pas permis de sortir totalement le monde de la crise économique (laquelle, tristement, ne sera véritablement chassée que par la Seconde Guerre Mondiale), elle aura au moins permis de poser les bases du système économique qui permettra l’épanouissement des 30 glorieuses. Ce même système que les libéraux se sont échinés à « détricoter » depuis les années 70 à coup de dérèglementations.
S’inspirant du programme réalisée par le président démocrate dans les Années Trente, les propositions du collectif (voir ci-après) s’articulent autour de 3 axes :
- Éviter l’effondrement
- Contre le chômage, construire une nouvelle société
- Construire enfin une Europe démocratique
« Si l’on avait attendu un accord entre diplomates, le mur de Berlin serait encore debout.«
Les mesures d’urgence pour un plan anti-crise sont bien évidemment à l’usage du futur président de la République:
« Le but de notre collectif est simple : provoquer un sursaut ! Dire la gravité de la crise et alimenter le débat démocratique avec 15 mesures d’urgence que le nouveau Président de la République devra mettre en œuvre dès les premières semaines, après son arrivée au pouvoir en mai prochain. »
L’objectif est de rassembler un maximum de citoyens pour faire pression sur nos dirigeants. Comme le manifeste le fait justement remarquer: « Si l’on avait attendu un accord entre diplomates, le mur de Berlin serait encore debout. En 1989, ce sont des citoyens qui se sont levés et qui ont fait tomber un système politique qui niait la dignité de l’Homme.«
Le collectif Roosevelt 2012 lance donc un grand appel à signatures pour peser dans le débat public et tenter d’inspirer les candidats à la présidentielle en manque d’idée pour leurs programme.
Voici les 15 mesures d’urgences proposées par Roosevelt 2012 (également détaillées sur leur site):
- Redonner de l’oxygène à nos États: diminuer très fortement les taux d’intérêt sur la vieille dette
- Dégager de nouvelles marges de manœuvre financières: créer un impôt européen sur les bénéfices des entreprises
- Mettre fin au sabordage fiscal national
- Boycotter les paradis fiscaux: utiliser le levier de la commande publique
- Limiter au maximum les licenciements
- Sécuriser les précaires
- Interdire aux banques de spéculer avec notre argent: séparer les banques de dépôt et les banques d’affaires
- Créer une vraie Taxe sur les Transactions Financières
- Lutter contre les délocalisations: imposer le respect des normes sociales et environnementales dans le commerce mondial en convoquant un nouveau Sommet de Philadelphie
- Investir dans une vraie politique du logement: pour créer massivement des emplois et faire baisser les loyers
- Déclarer la guerre au dérèglement climatique
- Développer l’économie sociale et solidaire
- Négocier un autre partage du temps de travail et un autre partage des revenus
- Faire éclore la démocratie en Europe: changer radicalement les institutions
- Négocier un vrai Traité de l’Europe sociale
Cette liste n’est pas sans rappeler celles formulées par les Économistes Atterrés dans leur manifeste, ou celles que nous proposions au mois de Décembre dans notre top 10 des mesures urgentes pour un plan anti crise. On y retrouve par exemple la lutte contre les paradis fiscaux, la taxe Tobin, et le sévère diagnostic sur le manque de démocratie des institutions Européennes.
Si ces collectifs de citoyens et ces différents manifestes se multiplient, espérons que cela permettra de gagner du terrain sur le plan idéologique. Il est grand temps que l’opinion réalise que le libéralisme forcené n’est pas l’unique alternative, et que loin d’être la solution il n’est que la cause des crises actuelles.
3 réponses à 03/04/2012 – Réactiver le « New Deal » de Roosevelt en 2012